Qui sont ceux que nous appelons « responsables » (مسؤول) dans la communauté ?

Nous avons souvent tendance à considérer comme « responsable » celui qui détient une autorité politique ou religieuse, et qui, à ce titre, serait redevable envers la communauté. Cette conception réduit la responsabilité aux seules figures officielles du pouvoir. Or, en réalité, cette notion est plus vaste et englobe tous ceux dont les actions ont un impact significatif sur leur environnement social.

8/12/20252 min temps de lecture

Un leader politique, de par sa fonction, exerce des missions et des pouvoirs qui influencent directement la vie des citoyens. Nous comprenons aisément que ces fonctions impliquent une responsabilité. De la même manière, les figures religieuses, qui guident la vie morale et spirituelle d’une communauté, sont perçues comme investies d’une mission publique. Mais si l’on admet que la responsabilité découle de l’influence exercée sur autrui, alors cette logique doit s’appliquer bien au-delà du champ politique ou religieux.

Il n’existe aucune raison valable pour qu’un entrepreneur, un investisseur ou un commerçant, capable de transformer le tissu social et économique d’une ville, soit exempt de cette même exigence. Ces acteurs jouissent souvent d’une liberté et d’une influence supérieures à celles du simple citoyen. Leur puissance financière leur permet d’impacter profondément leur environnement. Les laisser agir sans devoir de rendre compte reviendrait à instaurer une forme d’anarchie sociale, où la liberté individuelle l’emporterait sur l’intérêt collectif, accentuant les inégalités de richesse et de pouvoir.

Celui qui investit, qui ouvre un commerce ou dirige une entreprise engage nécessairement la vie des autres. Sa responsabilité grandit encore lorsque ses activités engendrent des effets inattendus ou indésirables sur la communauté. Si, pour un entrepreneur, l’objectif premier reste le profit, il ne peut ignorer les conséquences sociales de son activité.

On ne saurait donc se retrancher derrière le droit légitime à subvenir aux besoins de sa famille pour justifier un comportement nuisible à la tranquillité publique. À Ankawa, par exemple, j’ai souvent exprimé des réserves concernant l’ouverture de lieux immoraux dans des zones résidentielles. On me répond fréquemment que c’est le moyen de subsistance de certaines personnes et qu’il ne faudrait pas leur retirer. Pourtant, aussi noble que soit la recherche de revenus, elle ne doit jamais nuire à ceux qui nous entourent.

Beaucoup d’entrepreneurs en sont conscients et assument pleinement leur "responsabilité sociétale", mesurant l’impact de leurs décisions sur les communautés voisines. D’autres, en revanche, manifestent un désintérêt complet pour leurs concitoyens, ne cherchant que leur intérêt personnel, au point de détériorer la qualité de vie autour d’eux par des activités certes lucratives, mais intolérables.

Nous devons donc élargir notre conception du « responsable ». La redevabilité envers la communauté ne peut être limitée aux politiciens et aux religieux. Il est temps de reconnaître l’entrepreneur, le gérant d’hôtel ou l’exploitant de lieux d’amusement comme des acteurs responsables qui doivent rendre des comptes. Si vous avez le pouvoir de nuire, vous devez également vous soumettre à cet impératif et agir dans l’intérêt général. Ce n'est pas une option, c'est un devoir.